Les Bien-aimés. Je me souviens d'un reflet dans une vitrine de la rue Jacob. Les visages multiples de Catherine Deneuve.



Le film que j'ai découvert hier soir date de 2011. J'apprends qu'il a clôturé le Festival de Cannes, cette année là.

Je ne l'aurais sans doute pas noté. Je veux dire : je n'aurais rien écrit à son propos, s'il ne se déroulait pas en partie à Paris.

Je suis donc tout d'abord resté devant mon écran par devoir, en réfléchissant au fait que je pensais, depuis quelques jours, à évoquer un reflet furtif dont je me souviens encore. 

Mais je dois bien avouer que mon regard a subi une sorte de fascination qui m'a planté là, figé jusqu'au générique de fin.

"Souviens toi !" m'a murmuré à l'oreille une voix absente. 

"C'était dans les années soixante-dix, rue Jacob !"

Je sais bien que dans ces années d'enseignement et de recherche qui m'amenaient chaque jour dans le grand espace du Quartier Latin, j'ai parcouru le plus souvent possible cette grande surface urbain de Paris. Un espace précieux qui va pour moi de l'Assemblée Nationale, à l'Ouest jusqu'aux berges de la Seine où s'est posée l'étrange vaisseau spatial de la Grande Bibliothèque, à l'Est et de la Place d'Alésia, au Nord jusqu'à l'île de la Cité, au Sud.

Une notion certes extensive du quartier étudiant, mais chacun construit ses propres territoires en fonction des rencontres. Je n'ai pu toutefois m'empêcher de m'y fixer quelques points de vue, espaces de focalisation, auxquels des surprises sont attachées.

C'est certainement la raison pour laquelle le jeu de superposition des visages que propose le film "musical" de Christophe Honoré qui se présente comme un contre emploi "amoureux transi et chanté" des "Demoiselles de Rochefort", m'a d'un coup tiré par le bras vers la rue Jacob.





Sous l'égide de la Statue de Bacchus. Rue Jacob.


Un film dédié aux visages de femmes dont deux sont liées part d'étroites relations familiales : Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni. 

Et à des visages d'hommes qui s'abîment en permanence dans la lâcheté, la tromperie, ou la fuite : dont principalement, Milos Forman et Louis Garrel.

Tout commence en 1968, lorsque le "Printemps de Prague" s'écroule au cours de l'été du mois d'août suivant sous le boutoir du Pacte de Varsovie, tandis qu'une amoureuse qui venait de me quitter "pour toujours" dans une rue de Bruxelles quelques mois plus tôt, s'y trouvait en vacances et que je me consolais en Auvergne des remous de ma première année d'enseignement, stoppée par les pavés arrachés et les relents de gaz lacrymogène.

Des mois à pleurer des "révolutions" extérieures et intérieures que  je pensais perdues !

Un autre fil tendu entre ce film, des femmes aimées et la rétrospective impressionniste que je viens d'inaugurer avec ce blog parisien ?  

Que dit le film ? : "Les filles légères ont le coeur lourd". 

Et j'ajouterais peut-être "Et les garçons n'y comprennent jamais rien".  

Alors pourquoi la rue Jacob et la présence obsédante de ces actrice en miroir ?




Je me promenais en regardant les vitrines. Il devait faire beau. Je n'étais attentif qu'au plaisir du temps volé et du cheminement dans une rue où les façades racontent toutes un moment de l'histoire parisienne.

Mais dans une de ces vitrines, un visage s'est reflété à côté du mien.

Sans y croire !

A ne pas y croire !

Catherine Deneuve est restée là un instant, puis s'est éloignée. Que lui dire qui ne soit pas déplacé ? On ne dérange pas un miracle.

Rien que de banal. Banal pour Paris dont j'aurai l'occasion d'évoquer d'autres rencontres, parfois aussi furtives, ou fort heureusement prolongées de conversations ou de compagnonnages à plus long terme.

Mais je n'ai pas oublié cette fulgurance, après cinquante années où j'ai eu maintes fois l'occasion de revoir l'actrice sur les écrans.

La preuve ! J'en tremble encore un peu en écrivant !

J'ai franchi ce samedi une faille du temps grâce à une lucarne inattendue.  

"Le bonheur est la pire offense de l'amour" dit forcément un des hommes qui regardent ces femmes avec un étonnement permanent.



Comme un double : Chiara Mastroianni. 

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